Voix du Nord du 1er Mars 2008 Voici quarante ans, une bande de copains montait à l’assaut des premières lignes. Les Noirs. En 1969, les membres fondateurs (Michel et Jacques Corteel, Pierre Vaillant et Bernard Vandenbroucque) ont baptisé ce groupe d’indépendants, « Dunkerquois et carnavaleux ». Ce soir, les Noirs fêtent, entre amis, leur quarantième carnaval à La Poudrière de Leffrinckoucke. À l’époque, chaque bande voit « sa » société former les premières lignes. Les Noirs ont fait voler cette tradition en éclats. « On a réussi à y venir et à n’en plus bouger, on a fait exploser parfois les premières lignes, les sociétés et les notables dunkerquois, en leur disant : “Si vous savez pas tenir, on va la faire la première ligne !” ».
« Juste l’envie de faire la première ligne ». Quarante ans après avoir créé les Noirs, leur motivation reste intacte. « On était sportifs, se souvient Pierre Vaillant. On faisait 85 kg, aujourd’hui on est proches du quintal ! On voulait prendre ces premières lignes. On a réussi à s’imposer par la beauté du groupe, par notre notoriété ».
Les premiers contacts avec les membres des associations carnavalesques, ainsi bousculés dans leurs certitudes, est plutôt tiède. « Mais ils ont vite compris qu’on voulait juste les aider, qu’ils avaient intérêt à compter sur nous », rappelle Michel Corteel.
Et vite compris que le coeur de ces jeunes-là ne battait que pour le carnaval. « On voulait être les premières lignes, rappelle Bernard Vandenbroucque. Dans la tradition de la bande, attention ! En respectant l’éthique. Comme on l’avait appris de nos parents ».
Pour cette conquête des premières lignes, les Noirs comptaient aussi sur leur costume. Qui impressionnait alors aussi sûrement que le haka des All Blacks. « Pagne en raphia, chaussettes à quatre bandes rouge et jaune, pull noir, gants blancs et une large bouche rouge », rappelle Bernard Vandenbroucque, le « chef » des Noirs. Et malheur à celui qui osait copier ! « Bah, deux-trois ont bien essayé, glissent Pierre Vaillant et Michel Corteel avec un franc sourire. On avait un gant sec sur nous et on les “lavait” ! ». Pour défendre l’identité de cette troupe de choc ? « On n’est pas contre les gens en noir, rassure le « chef ». Mais pas exactement le même maquillage. On voulait préserver notre groupe, qu’on respecte notre tenue. Maintenant, personne n’oserait ! ».
En quarante années, seule une femme s’est glissée bras dessus bras dessous avec les hommes. Misogynes ? « Françoise, ma soeur, glisse Michel Corteel. Une seule année. Après, on n’a plus voulu de femme ! ». Le « chef » opine… du chef. « Comme toute société respectable, pas de femme ! On ne voyait jamais une femme dans une association ! ».
En quarante ans, les Noirs sont devenus incontournables. De « méconnables », les voilà devenus l’une des icônes du carnaval. Sans jamais devenir une association. « Pas notre truc, elles le font déjà très bien, alors… » Alors, que voient-ils dans le rétroviseur ? « On a fait pendant des années la bande, du début à la fin, sans s’arrêter pour boire une pinte », rient les trois amis. Et aujourd’hui ? Les Noirs avouent se reconnaître de moins en moins dans le carnaval, devenu prétexte à tous les excès. Michel Corteel a lui-même quitté les Noirs voici dix ans pour ces mêmes raisons. Mais ce soir, pour le bal du 40e anniversaire, il sera derrière le bar champagne pour donner un coup de main à ses amis de toujours. Car on donne un bal « select » à la Poudrière. Les invités sont triés sur le volet : les Noirs eux-mêmes ont vendu ces places courues par le tout-Dunkerque carnavalesque. « C’est pas un bal de plus mais un anniversaire, insiste Bernard Vandenbroucque. À la Poudrière, ce sera plus petit qu’au Kursaal, convivial et avec nos amis, dans le respect de la tradition.
Aux côtés des Noirs ce soir, les bénévoles locaux de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui recevront les bénéfices de cette soirée. Noirs à l’extérieur, ces amoureux du carnaval ont également la solidarité à leur palette. Sans fard. •